samedi 23 février 2008

sans qu'heure

Il n'aurait fallu qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne, mais une main nue
Alors est venue, qui a pris la mienne.
Qui donc a rendu leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines, sa réalité
A l'immense été, des choses humaines.
Moi qui frémissait, toujours je ne sais
De quelle colère, deux bras ont suffi
Pour faire à ma vie un grand collier d'air.
Rien qu'un mouvement, ce geste en dormant
Léger qui me frôle, un souffle posé
Moins une rosée, contre mon épaule.
Un front qui s'appuie, à moi dans la nuit
Deux grands yeux ouverts, et tout m'a semblé
Comme un champ de blé, dans cet univers.
Un tendre jardin, dans l'herbe ou soudain
La verveine pousse, et mon cœur défunt
Renaît au parfum qui fait l'ombre douce.
Il n'aurait fallu qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne, mais une main nue
Alors est venue, qui a pris la mienne.

[Louis Aragon - Il n'aurait fallu]

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