dimanche 15 juin 2008

libre amour

C'est l'hiver, il est peut-être midi, elle ne sais pas vraiment. Maintenant, plus rien n'a d'importance, elle est partie, elle marche, c'est tout.
Il neige à gros flocons, et pourtant elle a chaud, et soudain, une impression d'étouffer. Elle s'arrête et reste immobile une dizaine de minutes. La stupeur se lit jusqu'au plus profond de ses yeux.
Chaque personne qui passe à côté d'elle la dévisage, comme si elle n'était qu'une vulgaire tache d'encre sur le drap blanc, encore immaculé, qui recouvrait à présent toute la ville.
L'envie de fuite qui lui tenaillait le cœur, elle l'a perdue. Aujourd'hui, elle visite le monde, elle marche au hasard de ses envies, serrant fort contre elle sa petite Elia, qui garde les yeux grands ouverts, comme pour graver dans sa mémoire tous les lieux où sa jeune mère pourra l'amener. Et elle sourit, elle s'émerveille. A chaque seconde qui passe un plus grand sourire vient se dessiner sur ses jolies joues rouges.

voiture à pédales

A force de nous spécialiser, nous devenons plus vulnérables, et c'est la mort.
La totalité des informations emmagasinées par une personne dans toute sa vie n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan.
Une fois que le doute est en vous, il ne vous quitte plus.
La mémoire ne peut être définie.
Mais elle définit l'humanité.
Ni la science ni la philosophie n'ont pu définir la vie.
Je suis une entité vivante et pensante issue de l'océan de l'information.
Ce qui vit doit mourir, c'est une loi éternelle.
Nous vivons dans un environnement dynamique.
Vouloir rester ce que tu es te limites.

[Mamoru Oshii - Ghost in the Shell]

vendredi 13 juin 2008

litres de larmes

Hier, assise à ses côtés, elle se laissait bercer par ses mots tendrement murmurés, elle lui offrait toujours son oreille, dans l'attente de quelque chose, un mot unique, exceptionnel, un mot inventé pour elle. Il allait l'inventer, il était capable de tout pour elle, Elia le savait. Ce mot, elle voulait qu'il parvienne jusqu'à elle, qu'il se love en elle, qu'il la réchauffe.
Lui la diluait par ses regards timides de celui-qui-ne-sait-pas, mais qui pourtant se doute. Elle aimait son regard gorgé d'émotion, mais la mort lui est venue de ces yeux là...

jeudi 5 juin 2008

acte manqué

Il pleut. Ça fait au moins une heure que tu marches. Tu es trempée, ça t'es égal. En vérité, tu te sens bien sous la pluie battante. Elle te parles, petite Elia, écoute-la. Ce qu'elle essaye de te dire, tu le sais. Tu l'as déjà entendu, mais aussitôt oublié.
Ne t'accroches pas trop aux rêves qu'on te raconte, ma belle étoile. Gardes toujours précieusement les tiens. Vis-les, portes-les, emmènes-les dans le moindre de tes voyages. Ils t'empêcheront de chuter, de te perdre, ou de te noyer.
Presque partout où tu te rendras, elle sera à tes côtés. Elle fera revivre tes pensées et tes souvenirs les plus beaux. Une caresse sur tes joues. Un frisson le long de tes vertèbres. Libre, comme toi.

oeil en deuil

La mort n'est rien, je suis seulement passé dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, parlez-moi comme vous l'avez toujours fait. N'employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste. Continues à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été. Le fil n'est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.

[attribué à Charles Péguy d'après un texte de Saint-Augustin]