dimanche 30 décembre 2007

matinées confuses

Pourquoi viens-tu chaque nuit envahir mes rêves, toi que je connais à peine ? Pourquoi m'entraînes-tu toujours dans de sombres lieux - cette cabane à moitié abandonnée où apparaîssent des créatures cruelles aux intentions sanglantes, et encore ce marais d'eau presque claire, mais parsemé de pièges sadiques - endroits où pourtant, je me sens à mon aise ? Comment parviens-tu à chasser mes peurs et mes démons dans ces situations, toutes pires les unes que les autres, et cela juste par un sourire ? Et ton regard si rassurant, pourquoi sème-t-il un tel trouble en moi ?

vendredi 28 décembre 2007

j'aime...

Pardon pour cette fille
Que l'on a fait pleurer
Pardon pour ce regard
Que l'on quitte en riant
Pardon pour ce visage
Qu'une larme a changé
Pardon pour ces maisons
Où quelqu'un nous attend
Et puis pour tous ces mots
Que l'on dit mots d'amour
Et que nous employons
En guise de monnaie
Pour tous les serments
Qui meurent au petit jour
Pardon pour les jamais
Pardon pour les toujours
Pardon pour les hameaux
Qui ne chantent jamais
Pardon pour les villages
Que l'on a oubliés
Et pardon pour les cités
Où nul ne se connaît
Pardon pour les pays
Faits de sous-officiers
Pardon d'être de ceux
Qui se foutent de tout
Et de ne pas avoir
Chaque jour essayé
Et puis pardon encore
Et puis pardon surtout
De ne jamais savoir
Qui doit nous pardonner

[Jacques Brel - Pardons]

douleur

Sur une lointaine et toute petite planète vit un tout petit dictateur très cruel. Ce petit homme ayant fuit la terre de peur qu'elle ne finisse par être détruite, il voulut tout d'abord explorer cette nouvelle planète, puis, heureux de constater qu'elle était déserte, il décida de profiter de se calme pour se reposer jusqu'à ce que sa vie s'éteigne. Il occupait ses journées comme il l'entendait, rayant le sol lisse avec ce qui s'apparentait à un caillou, établissant des monticules de choses diverses sur le sol mou... Un certain nombre de mois s'écoulèrent sans qu'il ne s'en rendit vraiment compte.
Mais un jour il sa lassa de sa vie, qu'il jugeait bien trop paisible comparée à celle qu'il menait sur terre. Et c'est ainsi qu'il alla chercher une peuplade jaune terrifiée sur une autre petite planète pour y exercer un pouvoir absolu ; il devint donc ce tout petit dictateur... Un des nouveaux habitants de la toute petite planète se distinguait par sa couleur rouge, c'était le plus petit mais le plus intelligent. Un soir, rejoint par l'insomnie, il sentit une rage féroce le submerger, il n'en pouvait plus de ce tout petit dictateur qui réglait leurs vies à tous, qui profitait de leurs efforts et ne se souciait jamais de leur bien-être, sa colère était telle qu'il en voulut à ses semblables de se laisser faire sans protester, il avait envie de tout détruire autour de lui, il en vint même à blâmer ce qui fait office de soleil pour cette planète : la lune.
Oui, elle là, tout loin dans le ciel, elle qui n'a rien d'autre à faire que se montrer quelques heures d'un côté, quelques heures de l'autre côté, pour dire aux gens de se coucher, elle qui finalement ne fait que tourner en rond, pour la satisfaction générale, alors que nous si on tourne en rond, on se retrouve mis à l'écart, raillé, montré du doigt, expulsé de la course, comment elle a fait pour trouver un travail comme ça ? Et si un jour elle dévie ou commet je ne sais quelle erreur, si un jour elle en a assez et décide de partir, tout le monde la regrettera, mais qui pourra le lui reprocher ? Elle n'a que faire des critiques ou des menaces...

gelation

Lolita nie en bloc elle navigue au loin sous les cils à cent lieues de se douter que les silences et la jalousie la guettent elle oublie la liste et l'allonge encore elle veut s'isoler et alors elle s'absorbe dans la contemplation de ses pieds.
Un ange passe.
Un ange passe.
Et puis son doigt décrit dans l'air des étoiles ou bien des éclairs elle ignore si superbement les sentiments les aléas de l'amour elle s'avance vers la fenêtre lascive et elle couvre le ciel de mille signes étranges et inconnus de tous.
Un ange passe.
Un ange passe.
Désolé Lola je n'ai pas su déchiffrer le sens secret de tes gestes lents aérés simulacres ou magie futile à moins que le vide et l'ennui ne s'emparent de toi Lolita et si cette bulle pleine de rien voulait se crever enfin.
Un ange passe.
Un ange passe.

[Noir Désir - Lolita nie en bloc]

prendre le temps

marcher sur l'eau.
comme en suspension au-dessus d'une réalité effacée.
arrêter l'évasion des secondes,
prendre le temps de se retrouver là ;
être soi, à un instant précis, dans un lieu quelconque.
quitter sa parure noire de deuil,
décorée de soucis et de rancoeur.
s'oublier un moment,
et embrasser le monde entier...

la mort est grande par la vie qu'elle fait surgir

Le soleil dépliait lentement ses rayons et les hasardait avec précaution dans des endroits qu'il ne pouvait atteindre directement, les recourbant à angles arrondis et onctueux, mais se heurtait à des choses très noires et les retirait vite, d'un mouvement nerveux et précis de poulpe doré.

[Boris Vian - L'écume des jours]

chaque geste peut déplacer une étoile

Il ne sait même pas ce que c'est, une fée ! Il croit que c'est une grosse gourdasse à baguette qui transforme les citrouilles en carrosses dans les vieux contes ringards ! Mais elles sont partout, les fées ! Elles sont dans la vie, autour de nous, seulement on ne les voit pas, alors on décide qu'elles sont bidon, et du coup, elles se mettent à douter, elles aussi, elles ne croient plus en elles ; à force d'entendre qu'elles n'existent pas, ça déteint, elles ne se rappellent plus qu'elles sont magiques et elles ont peur de vieillir et elles veulent disparaître avant qu'on s'en apperçoive et tout foutre en l'air autour d'elles pour avoir moins de regrets.

[Didier VanCauwelaert - L'éducation d'une fée]

mardi 25 décembre 2007

j'aime pas...

...aujourd'hui j'aime les étoiles, la lune, les nuages, j'aime regarder le ciel pendant des heures, j'aime qu'il apparaîsse quand j'ouvre les yeux dans la nuit, pour chasser un cauchemar, j'aime pouvoir le contempler dès mon réveil, j'aime qu'il m'appelle et me dise que je ne serai jamais captive... j'aime regarder des enfants aux éclats de rire cristallins, qui courent dans les rues étroites d'un village vieillissant, et transmettent leur émerveillement à des touristes égarés et leur arrachent un timide sourire au passage... j'aime découvrir des choses que je ne connais pas, j'aime m'étonner d'une image, d'une couleur, d'un lieu, ou du résultat de quelconque série de petits riens que le hasard aura réuni pour faire un tout... un échange de regards, un sourire entendu, ou une grimace complice... j'aime aimer tout ça... aujourd'hui...

samedi 8 décembre 2007

tombées du ciel

Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure.
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.

[Paul Verlaine - Chanson d'automne]

traces

certaines blessures se referment et s'oublient très rapidement,
d'autres prennent leur temps pour cicatriser, et s'ouvrent à nouveau quelques fois, juste comme ça pour s'amuser à faire mal, pour vérifier si elles ont encore du pouvoir...

gouttes d'eau

des fois on a l'impression de n'être qu'une marée de larmes, un seau percé, une éponge qu'on essore, un tuyau qui fuit, un verre qu'on renverse, une rivière qui déborde, une pluie perdue au milieu de l'été, un bain qu'on oublie et qui s'étend sur le sol, un dedans qui dégouline dehors, broyé, torturé, liquéfié...

mercredi 5 décembre 2007

souriez, sourds d'hier

allez prends ma main, on va danser sur les lettres, viens marcher avec moi dans de l'encre étoilée, puis sauter sur des longues séries de phrases, et poser les empreintes de nos pieds nus comme unique ponctuation à notre histoire...
et s'il t'arrives un jour d'écrire par tes larmes, les douleurs et les peines qui hantent ton âme, je viendrais à mon tour prendre ta main, et t'amenerai écraser
joyeusement les maux de toutes les langues de la terre...

besoin de tout, envie de rien...

la vie est une contradiction ?
besoin de protection, de réconfort, besoin d'attention, de sourire, de chaleur, besoin de parler, de hurler à en faire s'endormir ma voix, besoin de frapper, de faire sortir la violence accumulée pour ne pas la retourner contre moi, besoin de pleurer dans des bras rassurants, besoin de ressentir ma propre existence ;
mais envie de silence pour entendre les battements de mon coeur, envie de solitude, de fermer les yeux,envie de disparaître de la mémoire de tous ceux sur le chemin desquels le hasard de la vie m'a placée...

jeudi 29 novembre 2007

do you want everything ?

If you can keep your head when all about you
Are losing theirs and blaming it on you,
If you can trust yourself when all men doubt you,
But make allowance for their doubting too ;
If you can wait and not be tired by waiting,
Or being lied about, don't deal in lies,
Or being hated, don't give way to hating,
And yet don't look too good, nor talk too wise.

If you can dream, and not make dreams your master ;
If you can think, and not make thoughts your aim ;
If you can meet with Triumph and Disaster
And treat those two impostors just the same ;
If you can bear to hear the truth you've spoken
Twisted by knaves to make a trap for fools,
Or watch the things you gave your life to, broken,
And stoop and build 'em with worn-out tools.

If you can make one heap of all your winnings
And risk it on one turn of pitch-and-toss,
And lose, and start again at your beginnings
And never breathe a word about your loss ;
If you can force your heart and nerve and sinew
To serve your turn long after they are gone,
And so hold on when there is nothing in you
Except the Will which says to them : "Hold on !"

If you can talk with crowds and keep your virtue,
Or walk with Kings, nor lose the common touch,
If neither foes nor loving friends can hurt you,
If all men count with you, but none too much ;
If you can fill the unforgiving minute
With sixty seconds' worth of distance run,
Yours is the Earth and everything that's in it,
And, which is more, you'll be a man, my son !

[Rudyard Kipling - If]

mercredi 28 novembre 2007

encore une histoire ?

Un jour pourtant semblable aux autres, couronné d'un beau ciel orangé retenu par de longues stries bleues, il décida de ne plus regarder ses pieds, il leva les yeux et vit que rien n'était à sa place... Plus exactement, rien ne paraissait avoir réellement sa place...
Il jeta à terre son manteau de peines et
commença alors une longue chute vers ce qui lui sembla d'abord la mémoire héritée de ses ancêtres lointains, des souvenirs au-delà de toute temporalité par rapport à sa propre vie. Mais ce qu'il se passait, c'est qu'en marchant la tête haute, il se laissait violemment happer par le réel, et n'y opposa aucune résistance.
Lui qui n'avait aperçu jusque là qu'un univers de chaussures et de pieds nus, il découvrit soudain des visages effrayés qui faisaient tous face au sol, le teint pâle, le regard fuyant. Des visages préférant se cacher, fuir la vie dès lors qu'ils mesuraient la distance qui les séparait de leurs désirs et de leurs rêves...
Et depuis ce jour, il se nourrissait de leur désespoir, lui qui avait laché le poids qui le freinait. Désirs et rêves que tous peu à peu abandonnent se posent sur lui, voyant que ses yeux sont les seuls qui embrassent l'horizon... Il avance simplement guidé par l'espoir qu'un jour les hommes leveront la tête et qu'il pourra leur faire redécouvrir ce qu'ils ont abandonné : leurs désirs, leurs rêves, et la chaleur d'un sourire...

jeudi 22 novembre 2007

grilles grises de la réalité

accrocher mon coeur à l'étoile la plus haute,
manger des nuages pour accoucher d'un ange,
saigner la lune pour qu'il neige des rêves,
me pendre à une flamme pour accompagner tes larmes,
nous devenons les histoires que nous nous racontons...
mais quelle cage vaut-il mieux connaître de l'intérieur ?

lundi 19 novembre 2007

le soleil qui s'en va

A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi
Et regarder l'soleil qui s'en va
Te parler du bon temps qu'est mort et je m'en fous
Te dire que les méchants c'est pas nous,
Que si moi je suis barge, ce n'est que de tes yeux
Car ils ont l'avantage d'être deux
Et entendre ton rire s'envoler aussi haut
Que s'envolent les cris des oiseaux
Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie
Et l'aimer même si le temps est assassin
Et emporte avec lui les rires des enfants,
Et les mistrals gagnants...

[Renaud - Mistral gagnant]

jeudi 15 novembre 2007

s'absenter

de minuscules formes noires sur du papier, pénètrant dans notre imagination pour fabriquer des images qui constituent un petit monde à part, une évasion possible...

passé, présent, futur

l'avenir est flou... des gens souffrent et manifestent, d'autres profitent de la situation et s'enrichissent, et il paraît que c'est de pire en pire, il paraît que l'écart se creuse, il paraît que l'humanité s'autodétruit, il paraît que le monde va dans le mur... il paraît... oui c'est peut-être vrai au fond, mais ça a toujours été comme ça, ces mots ne cesseront de se répéter... alors ferme les yeux et les oreilles et la bouche et le nez si tu as peur, ferme-toi au monde pour te protéger si tu crois que c'est la meilleure façon de survivre... ou alors fais ce que tu peux pour garder tes rêves intacts, car c'est eux, et non la crainte, qui te feront entrevoir le grand sourire que le monde te fais...

lundi 12 novembre 2007

rêve d'ailleurs

Should I stay or should I go now ?
If I go, there will be trouble
And if I stay, it will be double
So come on and let me know
Should I stay or should I go ?

[The Clash - Should I stay or should I go?]

vendredi 9 novembre 2007

je te raconte une histoire

en sortant se promener un matin, il voit une petite goutte d'eau au sol. n'y pretant pas attention, il continue sa route. la journée passe, et quand il rentre le soir, la petite goutte est toujours là, un petit peu plus grosse. mais il ne s'y attarde pas plus et se couche, rêvant de la goutte d'eau...
le lendemain, il la revoit cette goutte, devenue une petite flaque d'eau. il l'enjambe, laisse filer la journée, et à son retour, la flaque a un peu plus d'ampleur. il passe par-dessus et va paisiblement s'endormir, rêvant de la flaque d'eau...
et les jours s'échappent, et la goutte devenue flaque devient une mare. il doit la contourner chaque jour plus loin, ce qui lui fait perdre de plus en plus de temps. et chaque nuit, ses rêves sont occupés par cette mare envahissante...
jusqu'au jour où à son lever, il voit de l'eau au pied de son lit. la goutte d'eau avait recouvert toute la surface de la planète sur laquelle il vivait...
mais cela ne se serait pas passé s'il avait accordé un regard plus attentif à la petite goutte d'eau dès le premier jour, car elle n'aurait pas eu besoin de l'envahir pour se faire remarquer...

écoutez en vous

Je te répondis "Oui ! Douce voix !" C'est d'alors
Que date ce qu'on peut, hélas ! nommer ma plaie
Et ma fatalité. Derrière les décors
De l'existence immense, au plus noir de l'abîme,
Je vois distinctement des mondes singuliers,
Et, de ma clairvoyance extatique victime,
Je traîne des serpents qui mordent mes souliers.
Et c'est depuis ce temps que, pareil aux prophètes,
J'aime si tendrement le désert et la mer ;
Que je ris dans les deuils et pleure les fêtes,
Et trouve un goût suave au vin le plus amer ;
Que je prends très souvent les faits pour des mensonges,
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous.
Mais la Voix me console et dit : "Garde tes songes :
Les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous !"

[Charles Baudelaire - La Voix]

mercredi 7 novembre 2007

enfin la nuit...

Le soleil s'efface enfin pour laisser place à l'obscurité...
Il est bientôt temps de fermer les yeux pour quelques heures, et vous laisser envelopper dans les bras vaporeux des images magiques qui peuplent votre esprit...
Et demain matin, elles se seront enfuies, ne laissant en vous qu'un vague souvenir, juste une brève sensation indefinissable...
Peut-être qu'une autre nuit quelques unes d'entre elles reviendront vous bercer tendrement, mais jamais elles ne resteront, et toujours à votre éveil, elles seront remplacées par un vide...

samedi 3 novembre 2007

après le tunnel

je suis tombée amoureuse d'un petit grain de sable
qui s'était égaré sur le seuil de ma vie
je l'ai pris au creux de ma main et j'ai fermé les yeux
il s'est mis à grossir, prenait de plus en plus de place
je l'ai reposé au sol, il était devenu bien trop lourd
je me suis assise dessus tandis qu'il continuait
il enflait toujours, tranquillement
rien ne semblait pouvoir le retenir
curieuse, je me suis blottie à son sommet
et je suis encore là, sur mon grain de sable
pleine de patience
j'attends de voir s'il m'emmènera assez haut
pour sortir la tête de l'eau

mercredi 31 octobre 2007

on ne voit bien qu'avec le coeur

J'aurais dû ne pas l'écouter, il ne faut jamais écouter les fleurs. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète,mais je ne savais pas m'en réjouir.
Je n'ai alors rien su comprendre ! J'aurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle m'embaumait et m'éclairait. Je n'aurais jamais dû m'enfuir ! J'aurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires !
Mais j'étais trop jeune pour savoir l'aimer.

[Antoine de Saint Exupéry - Le Petit Prince]

fermez les yeux

prenez le coeur le plus chaleureux du monde, comprimez-le, écrasez-le sans pitié jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'une petite boule de haine glacée de couleur anthracite ; ensuite regardez-le tournoyer dans le vide, crachant d'occasionnelles aiguilles de lumière...

mardi 30 octobre 2007

mon oeil s'enfonce dans mon crâne creux

si je pouvais m'enlever un oeil sans douleur,
je l'enverrais loin par delà les nuages,
il traverserait l'atmosphère,
se régalant du spectacle des étoiles...
plus tard il retomberait sur la terre,
dans un pays inconnu, sur un autre continent,
un habitant de ce lieu ramasserait mon petit oeil,
et comprenant son aspiration au voyage,
l'enverrait encore une fois bien loin vers le ciel,
il verrait alors d'autres étoiles chanter,
et sa chute le conduirait encore ailleurs...
ainsi tant que sur son chemin bondissant,
il trouverait quelqu'un pour le renvoyer toujours plus haut,
et reviendrait un jour tout naturellement à sa place,
et remplirait mon esprit de rêves toujours plus beaux...

prends ma main

Vous êtes mort un soir à l'heure où le jour cesse.
Ce fut soudain. La douce et terrible paresse
En vous envahissant ne vous a pas vaincu.
Rien ne vous a prédit la torpeur et le tombe.
Vous eûtes le sommeil. Moi, je peine et je tombe,
Et la plus morte mort est d'avoir survécu.

[Anna De Noailles - Vous êtes mort un soir]

l'ombre de rien

tu n'es que l'ombre de toi-même, juste une flaque de molécules qu'on aurait ramassée, modelée et durcie dans un four pour lui donner une vague forme humaine, et sur laquelle on aurait finalement entassé des bouts de tissu pour faire illusion...
et toi, pantin, tu a appris à respirer, à vivre parmi les hommes, tu sais maintenant sourire, pleurer, et faire rire, tu sais même dire "je t'aime"...
bien sûr il y a des personnes qui y croient, bien sûr il y en a qui t'aiment, qui te haissent, te méprisent ou t'admirent...
mais moi je ne me laisserai pas emprisonner dans la profondeur de tes yeux couleur rêve ; ce que la vie m'a appris, c'est qu'une boîte lumineuse et douce peut cacher bien des noirceurs...
alors je pose une barrière entre mon âme et le paradis infernal de ton regard, car j'ai compris qu'à l'intérieur de cette enveloppe attirante, on avait oublier de placer ce qu'on appelle un coeur...

lundi 29 octobre 2007

égarement

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font plus frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

[Arthur Rimbaud - Le Dormeur du Val]

samedi 27 octobre 2007

où suis-je ?

la vie ne semble être qu'une perpétuelle répétition, comme un serpent qui se mord la queue, partout on ne voit que des copies conformes de copies conformes, c'est sans fin, tout ressemble au reste et à la fin c'est à se demander s'il y a une individualité possible... ou peut-être que c'est encore moi qui comprends rien, et que tous ces jeux de miroir sont la vie pour de vrai ?...

début d'hiver

Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air comme une femme lubrique,
Brûlante en suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou la grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.
Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Apres les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! Dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine,
De mes amours décomposés !

[Charles Baudelaire - Une Charogne]


des mots démons d'émotions...

quand on est face à face et que les paroles ne viennent pas...
quand les pensées, les peines, les douleurs restent coincées, traversent le coeur sans en sortir...
quand les lettres n'arrivent pas à se rencontrer pour traduire les plus simples maux...

en travaux

dis maman,
si je pouvais mettre une grue et une grosse pelleteuse dans ma tête,
tu penses qu'elles arriveraient à tout casser les ruines qui gènent,
à faire s'envoler la tristesse qui rend mon regard sombre,
à pousser tous les cauchemars
et à leur faire peur pour que jamais ils ne reviennent ?
tu crois qu'elles sauraient faire rejaillir les jolies fleurs,
et faire apparaître à la surface toutes les étoiles de couleur
qui sont enfouies loin en-dessous,
et leur donner la force de me faire sourire pour toujours ?

un pas vers le ciel

There's a Lady who's sure, all that glitters is gold,
And she's buying a stairway to heaven.
And when she gets there she knows, if the stores are closed,
With a word she can get what she came for.
There's a sign on the wall, but she wants to be sure,
'Cause you know sometimes words have two meanings.
In a tree, by the brook, there's a songbird who sings,
Sometimes all of our thoughts are misgiven.
There's a feeling I get, when I look to the west,
And my spirit is crying for leaving.
In my thoughts I have seen, rings of smoke through the trees,
And the voices of those who stand looking.
And it's whispered that soon, if we all call the tune,
Then the piper will lead us to reason.
And a new day will dawn, for those who stand long,
And the forests will echo with laughter.
It makes me wonder...
If there's a bustle in your hedgerow, don't be alarmed now,
It's just a spring clean for the May-Queen.
Yes there are two paths you can go by, but in the long run,
There's still time to change the road you're on.
Your head is humming and it won't go, in case you don't know,
The piper's calling you to join him.
Dear lady, can you hear the wind blow, and did you know,
Your stairway lies on the whispering wind.
And as we wind on down the road,
Our shadows taller than our soul,
There walks the lady we all know,
Who shines white light and wants to show
How everything still turns to gold.
And if you listen very hard,
The tune will come to you at last,
When all are one and one is all,
To be a rock and not to roll.
And she's buying a stairway to heaven.

[Led Zeppelin - Stairway to Heaven]

noyade

Alors j'essaie. Je noircis des feuilles et des feuilles, je les rature, je les déchire, je sèche des heures sur une phrase que finalement je dilue avec mes larmes, et je laisse l'encre bleue couler dans les taches étoilées ; je regarde les mots finir en flaques.

[Didier VanCauwelaert - L'éducation d'une fée]

image d'automne

Le temps parle.
Il parle plus simplement que les mots.
Le message qu'il porte se transmet à haute voix et clairement.
Parce qu'il est utilisé moins consciemment, il ne risque pas d'être dénaturé comme l'est le langage parlé.
Il peut clamer la vérité quand les mots mentent.

[Edward T.Hall - Le langage silencieux]

penser nos plaies

Il médita, en proie à trop de pensées moroses, au déroulement anarchique et décousu ; elles nageaient à l'intérieur de lui comme des poissons d'argent. Des peurs, des aversions, des appréhensions. Et tous les poissons d'argent remontaient à la source pour renaître sous forme de peur.

[Philip K. Dick - Ubik]

l'enfance

Sur mes cahiers d'écolier, sur mon pupitre et les arbres,
Sur le sable sur la neige, j'écris ton nom.
Sur toutes les pages lues, sur toutes les pages blanches,
Pierre sang papier ou cendre, j'écris ton nom.
Sur les images dorées, sur les armes des guerriers,
Sur la couronne des rois, j'écris ton nom.
Sur la jungle et le désert, sur les nids sur les genêts,
Sur l'écho de mon enfance, j'écris ton nom.
Sur les merveilles des nuits, sur le pain blanc des journées,
Sur les saisons fiancées, j'écris ton nom.
Sur tous mes chiffons d'azur, sur l'étang soleil moisi,
Sur le lac lune vivante, j'écris ton nom.
Sur les champs sur l'horizon, sur les ailes des oiseaux,
Et sur le moulin des ombres, j'écris ton nom.
Sur chaque bouffée d'aurore, sur la mer sur les bateaux,
Sur la montagne démente, j'écris ton nom.
Sur la mousse des nuages, sur les sueurs de l'orage,
Sur la pluie épaisse et fade, j'écris ton nom.
Sur les formes scintillantes, sur les cloches des couleurs,
Sur la vérité physique, j'écris ton nom.
Sur les seentiers éveillés, sur les routes déployées,
Sur les places qui débordent, j'écrit ton nom.
Sur la lampe qui s'allume, sur la lampe qui s'éteint,
Sur mes maisons réunis, j'écris ton nom.
Sur le fruit coupé en deux, dur miroir et de ma chambre,
Sur mon lit coquille vide, j'écris ton nom.
Sur mon chien gourmand et tendre, sur ses oreilles dressées,
Sur sa patte maladroite, j'écris ton nom.

Sur le tremplin de ma porte, sur les objets familiers,
Sur le flot de fou béni, j'écris ton nom.
Sur toute chair accordée, sur le front de mes amis,
Sur chaque main qui se tend, j'écris ton nom.
Sur la vitre des surprises, sur les lèvres attentives,
Bien au-dessus du silence, j'écris ton nom.
Sur mes refuges détruits, sur mes phares écroulés,
Sur les murs de mon ennui, j'écris ton nom.
Sur l'absence sans désir, sur la solitude nue,
Sur les marches de la mort, j'écris ton nom.
Sur la santé revenue, sur le risque disparu,
Sur l'espoir sans souvenir, j'écris ton nom.
Et par le pouvoir d'un mot, je recommence ma vie,
Je suis né pour te connaître, pour te nommer.

[Paul Eluard - Liberté]