mardi 26 février 2008

l'eau de vie dans mon vin

Mon verre est plein d'un vin trembleur comme une flamme
Ecoutez la chanson lente d'un batelier
Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes
Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu'à leurs pieds

Debout chantez plus haut en dansant une ronde
Que je n'entende plus le chant du batelier
Et mettez près de moi toutes les filles blondes
Au regard immobile aux nattes repliées

Le Rhin, le Rhin est ivre où les villes se mirent
Tout l'or des nuits tombent en tremblant s'y refléter
La voix chante toujours à en râle-mourir
Ces fées aux cheveux verts qui incantent l'été

Mon verre s'est brisé comme un éclat de rire

[Guillaume Apollinaire - Nuit rhénane]

ombre lilloise

Arrache-moi les yeux,
Que je ne puisse plus voir.
Arrache-moi les mains,
Que je ne puisse toucher.
Arrache-moi les ongles,
La douleur jusqu'au bout des doigts.
Arrache-moi le cœur,
Que je ne puisse plus avoir peur...

Arrache-moi la tête,
Que je ne puisse savoir.
Arrache-moi les oreilles,
Que je ne puisse t'entendre.
Arrache-moi les ...,
La douleur jusqu'au bout de moi.
Arrache-moi le cœur,
Que je ne puisse plus avoir peur...

[Louise Attaque - Arrache-moi]

mal à droite...

Quand j'étais petite, j'aimais bien les poissons.
J'avais un poisson aux reflets bleutés.
Il tournait en rond dans son bocal.
Bah oui, parce que dans un bocal, c'est plus rigolo.
Il ne pouvait pas se cacher, je le voyais tout le temps.
Je l'avais posé devant la fenêtre.
Les rayons du soleil venaient lui caresser les écailles.
C'était joli la danse de la lumière qui se reflétait sur l'eau.
Puis un jour il est mort, mais c'était normal.
Bah oui, les poissons ils ne sont pas heureux dans un bocal.
C'est un peu comme nous en fait.
Quand on tourne en rond trop longtemps, on finit par s'éteindre...

dimanche 24 février 2008

errer humanum est

La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. Ce n'est rien : la Chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe.
J'existe. C'est doux, si doux, si lent. Et léger : on dirait que ça tient en l'air tout seul. Ca remue. Ce sont des effleurements partout qui fondent et s'évanouissent. Tout doux, tout doux. Il y a de l'eau mousseuse dans ma bouche. Je l'avale, elle glisse dans ma gorge, elle me caresse ; et la voila qui renaît dans ma bouche, j'ai dans la bouche à perpétuité une petite mare d'eau blanchâtre, discrète, qui frôle ma langue. Et cette mare, c'est encore moi. Et la langue. Et la gorge, c'est moi.
Je vois ma main qui s'épanouit sur la table. Elle vit, c'est moi. Elle s'ouvre, les doigts se déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l'air d'une bête à la renverse. (...) C'est moi, ces deux bêtes qui s'agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec l'ongle d'une autre patte ; je sens son poids sur la table qui n'est pas moi. C'est long, long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n'y a pas de raison pour que ça passe. A la longue, c'est intolérable...

[Jean-Paul Sartre - La Nausée]

mur mûre

Elle veut pouvoir se vider de la tristesse qui lui pollue le cœur et l'esprit. Elle veut pouvoir ne plus rien ressentir, ne plus avoir de contraintes. Elle veut être vraiment seule et n'obéir qu'à elle-même. Elle veut voir les nuages danser autour d'elle. Elle ne veut plus être attachée à notre Terre. Laissez-la prendre son envol, et elle pourra vous regarder de très haut, vous et vos principes, et enfin elle sera heureuse. Heureuse de ne plus avoir à subir la vie de l'Homme, pleine de cruauté et d'injustice. De là-haut, elle pensera tristement à vous qui n'aurez pas su vous échapper. Peut-être même qu'elle laissera s'écouler une larme. Mais la belle Elia, elle sera libre...

samedi 23 février 2008

bouton d'hors

Des armes, des chouettes, des brillantes,
Des qu'il faut nettoyer souvent pour le plaisir,
Et qu'il faut caresser comme pour le plaisir,
L'autre, celui qui fait rêver les communiantes.

Des armes bleues comme la terre,
Des qu'il faut se garder au chaud au fond de l'âme,
Dans les yeux, dans le cœur, dans les bras d'une femme,
Qu'on garde au fond de soi comme on garde un mystère.

Des armes au secret des jours,
Sous l'herbe, dans le ciel et puis dans l'écriture,
Des qui vous font rêver très tard dans les lectures,
Et qui mettent la poésie dans les discours.

Des armes, des armes, des armes,
Et des poètes se service à la gâchette,
Pour mettre le feu aux dernières cigarettes,
Au bout d'un vers français brillant comme une larme.

[Léo Ferré - Des armes]

sans qu'heure

Il n'aurait fallu qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne, mais une main nue
Alors est venue, qui a pris la mienne.
Qui donc a rendu leurs couleurs perdues
Aux jours aux semaines, sa réalité
A l'immense été, des choses humaines.
Moi qui frémissait, toujours je ne sais
De quelle colère, deux bras ont suffi
Pour faire à ma vie un grand collier d'air.
Rien qu'un mouvement, ce geste en dormant
Léger qui me frôle, un souffle posé
Moins une rosée, contre mon épaule.
Un front qui s'appuie, à moi dans la nuit
Deux grands yeux ouverts, et tout m'a semblé
Comme un champ de blé, dans cet univers.
Un tendre jardin, dans l'herbe ou soudain
La verveine pousse, et mon cœur défunt
Renaît au parfum qui fait l'ombre douce.
Il n'aurait fallu qu'un moment de plus
Pour que la mort vienne, mais une main nue
Alors est venue, qui a pris la mienne.

[Louis Aragon - Il n'aurait fallu]

en vol

j'ai croisé cette nuit, déambulant au sommet des falaises, un très vieux monsieur qui marchait le dos courbe, le pas vacillant mais déterminé, la quiétude qui se lisait dans ses yeux affirmait que son errance était motivée... dans ses mains jointes devant lui, il semblait protéger quelque chose d'une très grande valeur, et à chaque contact de son pied gauche sur le sol, il faisait jaillir une touffe de petites fleurs blanches... je l'ai suivi plus d'une heure, curieuse de voir le dénouement de sa promenade, et surtout de savoir ce que ses mains abritaient... finalement, il s'est arrêté au bord d'une falaise abrupte, contemplé l'étendue d'eau salée à ses pieds, et brusquement s'est tourné vers ma direction... immobile, il m'a demandé d'approcher, de placer mes paumes devant moi, tournées vers le ciel, puis, il a amené au-dessus ses mains, toujours collées l'une à l'autre, m'a longuement regardée dans les yeux, absorbant mes craintes, et soudain, il a écarté les bras, libérant des milliers de papillons lumineux, qui se sont échappés dans les nuages, en laissant derrière eux des poussières multicolores...

jeudi 14 février 2008

bunker

Âgé de cent-mille ans, j'aurais encore la force
De t'attendre, ô demain pressenti par l'espoir.
Le temps, vieillard souffrant de multiples entorses,
Peut gémir : neuf est le matin, neuf est le soir.

Mais depuis trop de mois nous vivons à la veille,
Nous veillons, nous gardons la lumière et le feu,
Nous parlons à voix basse et nous tendons l'oreille
A maint bruit vite éteint et perdu comme au jeu.

Or, du fond de la nuit, nous témoignons encore
De la splendeur du jour et de tous ses présents.
Si nous ne dormons pas c'est pour guetter l'aurore
Qui prouvera qu'enfin nous vivons au présent.

[Robert Desnos - Demain]

where flew my mind

Dans une rue de Paname, errant au bord de l'eau
Je fumais mon Amsterdam, pour finir au bistrot
Il y avait là deux trois femmes, qui faisaient le tapin
Moi j'aiguisais ma lame, pour planter les rupins
Les gens de mon quartier, les touristes, les vieillards
Aiment bien se promener, le long des grands boulevards
Ils achètent des souvenirs, des tours Eiffel en plastique
Les saltimbanques les font rire, mais faudrait qu'on leur explique
Qu'il y a de la merde partout, de la drogue et surtout
Des jeunes en galère, qu'ils trafiquent la misère
Mais faut bien avouer, que j'y passe toutes mes journées
C'est que parfois à Paris, c'est la joie et la folie !
Mais croyez-moi bientôt, les flics auront du boulot
Car tous les vagabonds parlent de Révolution
Un jour tout
es nos chansons, ouais vous désarmeront
Il n'y aura plus que la folie, la joie et l'anarchie

[Les Ogres de Barback - Rue de Paname]

nais-je ?

loin de tout ça, tout va très bien, regarde voguer les nuages, percés par un ou deux oiseaux qui n'ont pas grand chose à faire dans ce ciel d'hiver... enfin, il faut admettre que de l'hiver, il ne reste pas grand chose au cœur d'un mois de février pourtant sérieusement installé. tu en as fait combien, des bonshommes de neige cette année ? et l'an passé ? pourtant, les souvenirs des hivers de ton enfance doivent être aussi blanc que les miens. est-ce que le mot "neige" ne signifiera plus rien pour nos enfants ?

union onirique

Paris... saturée d'impatience, assise entre une femme qui s'endort et une famille bruyante, triste spectacle... mais elle ne les voit presque pas, pour ma délicate Elia, le temps semble s'être arrêté, les aiguilles de la grande horloge centrale ont ralenti et la narguent, dansent longuement avant de sauter d'une seconde à l'autre... quand enfin se fait entendre la phrase tant attendue, la phrase de la liberté : "les passagers du vol 807 en direction de Porto Alegre sont priés de se diriger porte 126"... elle suit la direction indiquée, avec énormément de mal à se retenir de courir ventre à terre pour atteindre la porte d'embarquement la première, mais ça ne changera rien, elle le sait, alors elle s'aligne sagement sur le rythme général, et se retrouve au milieu d'une file de personnes ordinaires... l'avion ira plus loin que sa destination annoncée, ça aussi elle le sait, il la mènera bien au-delà des rêves paradisiaques du commun des mortels... elle scrute tout autour, anxieuse, sondant les regards pour entrevoir la moindre étincelle qui trahirait un vrai compagnon de route... tout le monde autour est excité de quitter son quotidien banal et éreintant, c'est quand même quinze jours sans travail, sans doute dans un village de vacances quelconque... Elia ne fuit pas la même chose qu'eux, d'ailleurs, elle n'a jamais réellement travaillé, mais elle n'a que vingt ans... disons simplement qu'elle fuit son avenir, elle ne veut pas être comme eux, assommés de responsabilités, assujettis à des habitudes, comprimés dans une vie bien réglée : travail, famille, et pourquoi pas patrie aussi ?... non, ma petite Elia n'a pas d'appartenance, sa patrie c'est partout et nulle part, c'est autant l'endroit d'où elle vient que celui dans lequel elle se rend... quand l'avion décolle, elle essaye de se convaincre de dormir, sans pourtant s'empêcher d'examiner les autres passagers... et finalement, voilà Porto Alegre, après une quinzaine d'heures de vol et une escale, tout le monde descend... restent dans l'avion Elia, accompagnée de deux hommes très minces et barbus ainsi qu'une fille qui semble avoir son âge, et enfin, elle lit dans leurs yeux la flamme qu'elle cherchait plus tôt, et des sourires extraordinaires et tellement sincères...
"les portes se referment, l'avion se remplit d'un gaz jaune très dense, qui fait entrer dans nos corps une légèreté jamais ressentie, et un sentiment de plénitude qui nous éloigne encore de la terre des hommes, de l'individualisme et du matérialisme... à ce moment précis, seuls les rêves comptent, nos quatre esprits conjugués créent des images tellement spectaculaires, des paysages tellement fantastiques, et des gens tellement plus humains que tous ceux qu'on a pu rencontrer jusque là... je veux rêver toujours..."

dimanche 10 février 2008

dessine-moi un...

Quand le livre où s'endort chaque soir ma pensée,
Quand l'air de la maison,les soucis du foyer,
Quand le bourdonnement de la ville insensée
Où toujours on entend quelque chose crier,

Quand tous ces mille soins de misère ou de fête
Qui remplissent nos jours, cercle aride et borné,
Ont tenu trop longtemps, comme un joug sur ma tête,
Le regard de mon âme à le terre tourné ;

Elle s'échappe enfin, va, marche, et dans la plaine
Prend le même sentier qu'elle prendra demain,
Qui l'égare au hasard et toujours la ramène,
Comme un coursier prudent qui connaît le chemin.

Elle court aux forêts où dans l'ombre indécise
Flottent tant de rayons, de murmures, de voix,
Trouve la rêverie au premier arbre assise,
Et toutes deux s'en vont ensemble dans les bois !

[Victor Hugo - Quand le livre où s'endort chaque soir ma pensée]

pourquoi pas la lune

En ce temps-là, je vivais dans la lune
Les bonheurs d'ici-bas m'étaient tous défendus
Je semais des violettes et chantais pour des prunes
Et tendais la patte aux chats perdus
Un soir de pluie voilà qu'on gratte à ma porte
Je m'empresse d'ouvrir, sans doute un nouveau chat
Nom de dieu le beau félin que l'orage m'apporte
C'était toi, c'était toi, c'était toi
Les yeux fendus et couleur pistache
T'as posé sur mon cœur ta patte de velours
Fort heureusement pour moi t'avais pas de moustache
Et ta vertu ne pesait pas trop lourd
Aux quatre coins de ma vie de bohème
T'as promené, t'as promené le feu de tes vingt ans
Et pour moi, pour mes chats, pour mes fleurs, mes poèmes
C'était toi la pluie et le beau temps
Mais le temps passe et fauche à l'aveuglette
Notre amour mûrissait à peine que déjà
Tu brûlais mes chansons, crachais sur mes violettes
Et faisait des misères à mes chats
Le comble enfin, misérable salope
Comme il ne restait plus rien dans le garde-manger
T'as couru sans vergogne, et pour une escalope
Te jeter dans le lit du boucher
C'était fini, t'avais passé les bornes
Et, renonçant aux amours frivoles d'ici-bas
Je suis remonté dans la lune en emportant mes cornes
Mes chansons, et mes fleurs, et mes chats.

[Georges Brassens - Putain de toi...]

back on earth

debout au milieu d'une foule compacte et immobile, des gens qui observent le morbide spectacle avec sur le visage une expression de répulsion feinte, mais en réalité simplement maintenus dans cet immobilisme par une curiosité malsaine... mais il n'est pas comme eux, il ne veut pas voir, il a juste été happé dans le mouvement, et veut s'en aller, rentrer chez lui et ne plus penser à tout ça, chasser à jamais de sa mémoire l'image de la belle jeune fille... elle avait à peine 18 ans, ou peut-être encore moins, il l'avait aperçue dans ce même quartier plus tôt dans la journée, et lui seul a vu ce qui s'était passé... ou l'avait-il rêvé ? tout est confus depuis qu'il a croisé son regard triste et son maigre corps, qu'une robe de la blancheur de sa peau recouvrait péniblement... la place était pleine de monde, et pourtant, personne n'a porté le regard sur elle... lui seul a vu des hommes gris, encapuchonnés, passant à côté d'elle en la frôlant, et arrachant au passage des fins morceaux de chair, l'emprisonnant dans une danse machiavélique de laquelle elle n'est pas sortie indemne... lui seul a vu ces personnages disparaitre dans le sol, laissant derrière eux le cœur de la jeune fille, quelques secondes en lévitation au-dessus d'une flaque grenat, avant d'exploser en tournoyant... il avait couru pour l'attraper au vol, ce petit cœur meurtri, mais pas assez vite, et il a trébuché en le voyant perdu... et ce n'est que maintenant que les badauds s'étonnent et le retiennent sur cette place que recouvrent à présent de gros nuages noirs, comme pour porter le deuil d'une étoile disparue...

lundi 4 février 2008

boue de la vie ?

Ouoh ! J'ai le ventre qui se tord, à l'idée de voir mon corps se vider, de son plein gré, du tien que j'avais serré trop fort, comme ces regrets dont j'embrasse l'enfer du décor, et ne crois pas que ça me plait...
Mais j'allais pas rester sans rien dire, alors j'ai perdu l'équilibre, depuis que tu m'as scié les jambes avec tes silences rasoirs, le vague à l'âme je vais me rassoir, car je m'emmerde à pas y croire, à ne plus bouger et à ne rien recevoir. Allez quoi, donne-moi un peu du feu de tes yeux !
J'veux que mes tripes transpirent mon coeur en sueur, et puis même pas peur du pire, même pas peur ! J'veux que mes tripes transpirent mon coeur en sueur, et puis même pas peur du pire, même pas peur du pire !
Toi tu me files du rêve sans risque, et des bisous sans bourrasque, mais putain qu'est-ce que c'est triste ! Ouah qu'est-ce que c'est flasque ! Tu sais moi, quand j'te vois, je mouille pas que ma chemise, ouais j'ai pas trop envie d'inventer nos souvenirs, c'est sûrement pas pour ça que je m'en veux, c'est bien pour ça que je m'en vais !
J'voulais que nos tripes transpirent nos coeurs en sueur, et puis même pas peur du pire, même pas peur ! J'voulais que nos tripes transpirent nos coeurs en sueur, et puis même pas peur du pire, même pas peur du pire !
Arrête de foutre de l'eau dans ton vin, mets plutôt de l'eau de vie dans le mien ! Ouah j'ai soif de sensations, de sentiments en ébullition, et je ne demande qu'à boire tes petits mots, j'essayerai pour une fois d'avaler comme il faut, pas de travers, pas à l'envers !
J'veux que nos tripes transpirent ton coeur en sueur, et puis même pas peur du pire, même pas peur ! Que mes tripes transpirent nos coeurs en sueur, et puis même pas peur du pire, même pas peur ! Que nos tripes transpirent ton coeur en sueur, et puis même pas peur ! Ouah même pas peur ! Que nos tripes transpirent ton coeur en sueur, et puis... Tant pis !

[Mell - Même pas peur]

noyade

Je me sens si seul ce soir, tu es là pourtant, dans mon lit, dans ma nuit. Je ferais mieux de me coucher contre ton corps, au lieu de rester là à fumer, encore et encore. Mais tu sais pour moi, il y a des choses simples qui ne le sont pas...
Et c'est toujours quand tu dors, que j'ai envie de te parler, c'est toujours quand tu dors, que moi je dors pas.

Comme un lamantin qui se lamante, dans les eaux troubles du manque. J'ai la mort aux trousses, qui me fout les foies, qui me hante, qui me tente, qui me vante son antre. Et combattant immobile, j'écoute bouillir mon sang, ma bile, et battre à mes tempes le décompte du temps.
Et c'est toujours quand tu dors, que j'ai envie de te parler, c'est toujours quand tu dors que je veux pas crever.

Et la nuit s'éternise, et moi je penche, comme la tour de Pise. Fatigué sur un dernier dessin, encore un qui reconte que je me sens pas bien. Alors j'ai sommeil, mais je veux pas dormir, alors je veille, je sais qu'un jour tu vas partir.
Parce que c'est toujours quand tu dors, que j'ai envie de te parler, c'est toujours quand tu dors que moi je dors pas.
Et le bleu du petit matin me délivre enfin, et je fume mon dernier joint, et c'est déjà demain....

[Mano Solo - Toujours quand tu dors]

pas assez de toi

Quand sa mère accoucha d'Léo c'était pour mourir aussitôt, dans les décombres d'un bistrot, c'était la guerre. Il a grandi on n'sait comment, en s'inventant plein de mamans, des prostitués, des sans-argent, la vraie misère.
Comme il avait de l'aisance, et n'était pas idiot, à son adolescence il devint gigolo, dans le lit des femmes chics il fit don de ses dons, à vouloir trop de fric, on finit en prison.
Dans la pénombre d'un cachot on enferma le pauvre Léo, avec les brigands, les salauds, c'était l'hiver. "Paraît qu't'étais un prostitué, lui dit un gars dans sa chambrée, tu vas pouvoir nous réchauffer, fais pas d'manières !"
N'ayant plus le moral, et voulant en finir, en ouvrant un journal, il lut : "Tu peux m'écrire, mon p'tit nom c'est Lila, toi tu es prisonnier, si tu veux écris-moi, je s'rai ta liberté !"
Il a fallu bien des années avant qu'Léo soit relâché, mais un beau jour c'est terminé, on le libère. Il va pouvoir la rencontrer, celle qu'il appelle "ma Dulcinée", il va la couvrir de baisers, il fait le fier.
Il croise sur le trottoir, un cercueil de bois noir, salue les hommes en pleurs et dérobe une fleur, il arrive excité et frappe tout essoufflé, mais celle qu'il a aimé, il vient de la croiser.
Dans ce petit appartement, yavait pas grand chose d'important, mais sur une table deux instruments et une lettre : "Mon ptit Léo gâche pas ta vie, fais ça pour moi je t'en supplie, prends cet archet et cette scie, deviens honnête."
Dans la rue il s'installe, joue d'la scie musicale, mais il joue tellement mal, que même les sourds en parlent. Les voisins excédés par tant d'bonne volonté, un jour furent obligés d'le chasser du quartier.
Et puis un jour dans les bistrots, y s'passait rien de très nouveau, on a pu lire dans les journaux ce fait divers : "On a r'trouvé sous un camion le corps d'un pauvre vagabond, les bras sciés, et un archet, c'est un mystère."
Si encore de nos jours, on entend ce refrain, c'est qu'du fond de sa cour, un jour, un musicien, sans s'en douter du reste, cherchant un air nouveau, a écrit pour orchestre : les hurlements d'Léo !"

[Les VRP - Léo]

dimanche 3 février 2008

chute libre

retranscris la fin de l'histoire comme elle t'apparaît durant nos nuits agitées, mon ange ; durant nos nombreuses nuits dos à dos, évitant la confrontation de nos regards... reste toujours fidèle à tes rêves, ils te guideront assurément dans la bonne direction, suis ton coeur jusqu'au bout de la vie, écarte les pièges qui inévitablement se dresseront devant toi, abandonne ceux qui pourraient te gêner... je ne te promets pas que ta vie sera plus colorée, ni que tes nuits se laisseront envelopper par le drap en satin du sommeil salvateur... cependant jamais le regret ne viendra t'envahir, et quand tu partiras, tu seras léger... mais avant ça, écris-moi un happy-end, donne une forme joyeuse aux pourpres sillons que le passage de ton aiguille laisse sur ma chair, en-vol-moi...