dimanche 27 juillet 2008

addiction téléscopique

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas
Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie
Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

[Paul Eluard - Je t'aime]

à l'aube de tes lèvres

Je sais où la trouver, elle sait où me voir, toujours employés à réduire les écarts, quand on l'approche enfin, aussi près qu'on aille, on ne possède rien.
Elle va où elle veut.
Du feu du bruit pour mériter le silence, au bout du compte, ça ressemble à de la chance, et comme on dit parfois, si tu tiens à toi ne fais jamais comme eux.
Elle va où elle veut.
Si tout file entre nos doigts, les jeux qui nous tiennent resteront toujours là, y'a rien à dire de plus, depuis toujours c'est une chose entendue.
Elle va où elle veut.

[Noir Désir - Elle va où elle veut]

dimanche 20 juillet 2008

spatial

accroissement d’un brouillard d’hélices imprévues
arc voltaïque impassible visse
les corridors échine des maisons
et la fumée
gradation du vent qui déchire le linge
dans un tiroir la tabatière écorces d’oranges et des ficelles
o soupape de mon âme vidée
la fiole liée au cou
les trains se taisent tout d’un coup

[Tristan Tzara - Sage danse deux]

en avance

Trois pas en arrière, jambes frissonnantes, imperceptible oscillation
Deux alternatives, abandon de soi, plongeon dans l'absence
Une vague d'acide, turpitude atomique, léthargie infinie
Zéro espoir, anéantissement de l'âme, agonie

ma fée verte

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l'est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien
Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir
Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir
Le plat pays qui est le mien
Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu
Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité
Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu
Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s'écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien
Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut
Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire, quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud, écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.

[Jacques Brel - Le plat pays]